Définition de MAUVAIS, AISE

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mô-vê, vê-z'

DÉFINITIONS

1
Qui a quelque qualité désagréable ou nuisible, en parlant des choses tant physiques que morales. Mauvais vin. Mauvais goût. Mauvais habit. Mauvais chemin. Mauvaise action. Mauvaise habitude.
C'est un raisonnement bien mauvais que le vôtre
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 4
Ai-je de bons avis ou de mauvais soupçons ?
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 1
On ne m'éblouit point d'une mauvaise ruse
de Pierre CORNEILLE dans Théod. II, 4
La plus mauvaise excuse est assez pour un père
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 2
Je m'acquitte à regret de ce mauvais office
de Jean de ROTROU dans Bélis. V, 2
Elle a usé chrétiennement de la bonne et de la mauvaise fortune
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Les écueils où l'ardeur de l'âge, la licence du siècle, la corruption de la nature, le mauvais exemple et souvent le mauvais conseil poussent une jeunesse inconsidérée
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoign.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Nos écrits sont mauvais ; les siens valent-ils mieux ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épît. I
Ils [les hommes] gardent leurs moeurs toujours mauvaises, fermes et constants dans le mal
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Je serais bien aise de les voir [des ouvrages contre Machiavel] ....mais ces ouvrages sont probablement fort mauvais, puisqu'ils sont difficiles à trouver
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. prince roy. de Prusse, 1er juin 1739
Hartzoeker, dont le goût pour la contradiction était assez décidé, attaqua quelques années après, par les plus mauvaises raisons, le sentiment de Bernoulli
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Bernoulli
Il se dit quelquefois des personnes en ce sens.
Si nous ne nous marions à cette heure, jamais nous n'y réussirons ; nous [Charles de Sévigné] n'avons jamais été si bon, et nous pouvons devenir mauvais
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 juill. 1677
Mauvais succès, voy. SUCCÈS.
Mauvaise humeur, voy. HUMEUR, n° 5.
Mauvaise grâce, voy. GRÂCE, n° 1.
Mauvaise physionomie, voy. PHYSIONOMIE.
Mauvais livre, livre dangereux.
Mauvais lieu, lieu de prostitution. Hanter les mauvais lieux.
Mauvaise vie, conduite déréglée.
Un renard, son voisin, d'assez mauvaise vie
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 3
Femme de mauvaise vie, prostituée.
Les temps sont mauvais, se dit des temps de trouble, de disette, d'oppression.
Avoir mauvais visage, mauvaise mine, avoir le visage défait.
J'ai ouï dire que monsieur était mieux, et je lui trouve bon visage. - Que voulez-vous dire avec votre bon visage ? monsieur l'a fort mauvais
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mal. imag. II, 3
Sémantique : Fig. Faire mauvais visage, mauvaise mine à quelqu'un, le recevoir, le traiter sèchement, etc.
Trouver une chose mauvaise, y trouver un goût désagréable. J'ai trouvé ce vin mauvais.
Sémantique : Fig. Trouver mauvais, désapprouver. J'ai trouvé cette plaisanterie mauvaise.
Ce qui me fâche, c'est qu'en ne faisant rien, les jours se passent et l'on vieillit, et l'on meurt ; je trouve cela bien mauvais
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 août 1675
Trouver mauvais que, désapprouver que (il veut le subjonctif). Il trouve mauvais qu'on se conduise ainsi.
Qu'est-ce que mettre un ouvrage au jour ? n'est-ce pas en quelque sorte dire au public, jugez-moi ? pourquoi donc trouver mauvais qu'on nous juge ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Oeuv. Préf. génér.
Je ne trouve point du tout mauvais que vous me disiez votre sentiment ; c'est votre sentiment seul que je trouve mauvais
de Alain René LESAGE dans Gil Blas, VII, 5
Personne ne trouve mauvais qu'on tue une bête enragée
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Mère coupable, V, 7
Prendre, interpréter en mauvaise part, voy. PART.
Mauvais bruit, bruit, propos désavantageux, défavorable.
On dit dans le même sens, mauvais discours.
Mauvaise graisse, embonpoint factice, espèce d'empâtement, en parlant des chevaux et même des personnes.
Deniers mauvais, se disait autrefois des deniers qui restaient à partager entre un grand nombre de personnes.
Mauvais air et air mauvais, voy. AIR 2, aux nos 1, 8, et à la rem. 3.
2
Qui ne remplit pas bien son office, en parlant de quelque partie du corps. Mauvaises jambes. Je ne puis me servir de ma mauvaise main.
De quelque côté qu'on tourne le mauvais oeil, il ne laisse pas d'admettre des images qui doivent un peu troubler la netteté de l'image reçue par le bon oeil
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Suppl. à l'hist. nat. Oeuv. t. XI, p. 166
Avoir les yeux mauvais, la vue mauvaise, n'y pas bien voir.
Toute la philosophie, lui dis-je, n'est fondée que sur deux choses, sur ce qu'on a l'esprit curieux et les yeux mauvais ; car, si vous aviez les yeux meilleurs que vous ne les avez, vous verriez bien si les étoiles sont des soleils qui éclairent autant de mondes, ou si elles n'en sont pas
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Mondes, 1er soir.
3
Sémantique : Terme de marine. La mer est mauvaise, elle est très agitée.
Être de mauvaise tenue, se dit d'un fond où les ancres chassent, n'ayant pas de prise.
Mauvais temps, se dit pour marquer que le vent régnant est contraire.
Sémantique : Terme de pêche. Harengs de mauvaise eau, ceux qui ont séjourné dans de mauvais fonds ou qui sont près de frayer.
4
Nuisible, qui cause du mal. L'air est mauvais en ce pays. Les excès sont mauvais à la santé. Le fruit est mauvais pour de certains estomacs.
C'est [l'eau de la reine de Hongrie] la plus mauvaise chose du monde aux nerfs attaqués des douleurs de la goutte ou du rhumatisme
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 août 1680
Elle [Pauline] s'aime elle-même, elle veut plaire ; il ne faut que cela pour se corriger.... l'amour-propre, si mauvais à tant d'autres choses, est admirable à celle-là
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 28 fév. 1689
Sinistre, malheureux. Mauvais présage. Mauvais augure.
Et tu seras unie avec ton Curiace, Sans qu'aucun mauvais sort t'en sépare jamais
de Pierre CORNEILLE dans Hor. I, 3
[Il] à son mauvais destin en aveugle obéit
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. II, 2
Mauvais oeil, faculté funeste attribuée à certains individus, de porter malheur à ceux qu'ils regardent.
5
Enclin à faire du mal, en parlant des personnes. Un mauvais homme. Une mauvaise femme.
Et qu'il faille ajouter à vos titres d'honneur La noble qualité de mauvais suborneur
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 7
Nul n'est mauvais gratuitement : il faut qu'il y ait une raison qui détermine, et cette raison est toujours une raison d'intérêt
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 83
Le mauvais ange, le diable.
Mauvaises mains, personne ou personnes qui ne méritent pas de confiance, qui ne sont pas propres à ce qu'on demande.
Cinna... ne remettrait pas en de mauvaises mains L'intérêt d'Émilie et celui des Romains
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 3
Mauvaise compagnie, les gens de mauvaise vie ou de mauvais ton.
On dit aussi mauvaise société.
Parlez-moi de la mauvaise société ; c'est là qu'on s'amuse
de Louis-Benoît PICARD dans les Deux Phibert, III, 1
Un mauvais esprit, un homme dont le jugement est faux, et aussi un homme disposé à tourner les choses en mal.
Il faudrait être un bien mauvais esprit pour abuser de cela contre vous
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 5e part.
En un autre sens, mauvais esprit, dispositions à la révolte, à l'insubordination. Un mauvais esprit règne dans les troupes, dans cette province.
Mauvaise volonté, voy. VOLONTÉ.
Sémantique : Populairement. Mauvaise bête, homme ou femme qui se plaît à dire ou à faire des méchancetés.
Mauvaise tête, voy. TÊTE.
Un mauvais coeur, une personne à inclinations dures et perverses.
Mauvais garnement, mauvais sujet, homme déréglé dans ses moeurs.
Et j'ai prédit cent fois à mon fils, votre père, Que vous preniez tout l'air d'un mauvais garnement
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart., 1
Mauvais sujet, voy. SUJET.
6
Prompt à en venir aux coups, bravache. Mauvais garçon.
Il n'est pas si mauvais que l'on n'en vienne à bout
de Pierre CORNEILLE dans la Veuve, I, 3
Nature : Substantivement. Faire le mauvais.
Ne fais pas le mauvais, si je ne suis mauvaise
de Pierre CORNEILLE dans Place Roy. V, 5
7
Qui n'a pas les qualités qu'il doit avoir. Mauvais parent. Mauvais père. Mauvais prêtre.
Et que votre bonté, sensible à ma prière, Pour un fidèle amant oublie un mauvais frère
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. V, 5
[Le duc de Guise] Heureux guerrier, grand prince et mauvais citoyen
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. III
En cet emploi, mauvais avec un substantif qui implique quelque qualification déplorable, devient un éloge.
Les grands hommes, Colbert, sont mauvais courtisans
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans le Val de Grâce.
Pardonnez, un soldat est mauvais courtisan
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Sémir. I, 4
8
Malicieux, malin. Vous êtes bien mauvaise, tous vos propos sont des épigrammes.
Substantivement, en ce sens, par forme de plainte légère et amicale.
Oh ! le mauvais ! Ah ! petite mauvaise ! Là, là, mauvaise, Dieu vous apaise ! il n'en sera que ce que vous voulez
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Mar. de Fig. I, 9
9
Avec la négative, mauvais signifie souvent, assez bon, ou même fort bon, selon le ton qu'on y donne, et se dit également des personnes et des choses. Ce n'est pas un mauvais homme. Les vins ne sont pas mauvais dans ce cru. Ce n'est pas un mauvais écrivain. Ce n'est pas un mauvais ouvrage.
Les louanges du petit glorieux [le chevalier de Grignan] ne sont pas mauvaises ; il ne les jette pas à la tête
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er juill. 1676
Mme Denis est devenue supérieure dans les rôles de mère ; je ne suis pas mauvais pour les vieux fous
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 5 févr. 1758
Quel État choisirez-vous ? le brame répondit : celui où l'on n'obéit qu'aux lois ; c'est une vieille réponse, dit le conseiller ; elle n'en est pas plus mauvaise, dit le brame
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. États généraux.
10
Nature : nm et f Mauvais, mauvaise, celui, celle qui est mauvaise.
Mauvaise, tu crois donc que je suis un trompeur
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans Mariane, III, 3
Sémantique : Terme de féodalité. Le mauvais emporte le bon, c'est-à-dire les enfants issus d'une personne serve et d'une personne libre sont de condition servile.
11
Nature : S. m. Ce qu'il y a de mauvais. Il y a du bon et du mauvais dans cet homme, dans cet ouvrage.
Discernant non-seulement le bon d'avec le mauvais, mais encore le meilleur d'avec le bon
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoign.
La ville croit se faire honneur en prenant tout le mauvais de la cour
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Petit car. Vices et vertus des grands
Un commentaire n'est pas un panégyrique, mais un examen de la vérité ; et qui ne sait pas réprouver le mauvais n'est pas digne de sentir le bon
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Perthar. III
12
Adverbialement. Sentir mauvais, exhaler une mauvaise odeur.
Fi ! cela sent mauvais, et je suis tout gâté
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. III, 13
Il fait mauvais, il est dangereux.
Il fait mauvais se prendre aux poëtes
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Épître III
Il fait mauvais pousser tant de gens en colère
de Pierre CORNEILLE dans Othon, V, 2
Il fait mauvais, il fait vilain temps.

PROVERBES

1
Il n'est qu'une mauvaise heure au jour.
2
Mauvaise fille se moque de sa mère.
3
Mauvais chien ne trouve où mordre.
4
Il faut avoir mauvaise bête par douceur.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Getet serez sur un malvais somier [bête de somme]
dans Ch. de Rol. XXX
2
XIIe s.
En ces deus orent [eurent] paien mauvais voisin
dans Roncisv. 51
Que mauvais homs vous ait al flanc pendue [Durandal]
dans ib. 105
Le mauvais songe
dans ib. 164
De lor signor aider [ils] firent semblant mauvais
dans Sax. X
3
XIIIe s.
Et la mauvaise vielle s'est lez li acoutée [acoudée]
dans Berte, XVI
Lasse ! com j'ai trouvé gent mauvaise et amere !
dans ib. XVIII
Sachiez, vous en avez mauvais conseil creü
dans ib. LI
Et ainsi [elle] nous formaine par sa mauvaise vie
dans ib. LXXII
Com je vous ai porté mauvaise compaignie !
dans ib. X
Aucune fois se proeve li contes [le compte] à malvès, que li serjans fet à son segneur
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXIX, 15
Sour tous leuns [légumes], lentilles sont plus malvaises
de ALEBRANT dans f° 51
4
XIVe s.
Ils sont bani pour maais ostel [lieu de prostitution]
dans Bibl. des chartes, 2e série, t. III, p. 423
5
XVe s.
Si commencerent ces mechans gens de Londres à faire les mauvais et à eux rebeller
de Jean FROISSART dans II, II, 106
Il ne doute que il leur face plus mauvais tours
dans Boucic. I, 24
Il est fol qui du mauvais pas ne se tire, s'il y est entré
dans ib. I, 7
Demandez à vo chamberiere, Se j'ay en mauvais lieu esté
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 514
....Puisque nous sçarions Qu'elle fust de son corps mauvaise [libertine]
dans ib. f° 511
Car lerres le larron mescroit, Ne ly mauvès le bon ne croit, Ains cuide que chascuns soit lerres
dans ib. f° 516
Hé Dieu ! se j'eusse estudié Au temps de ma jeunesse folle !.. Mais quoy ? je fuyoye l'escolle, Comme faict le mauvays enfant
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Grand testament.
6
XVIe s.
Il est bien aysé de faire le mauvais [le brave] avant que de venir aux prinses
de Michel de MONTAIGNE dans II, 383
Le corps peut en recevoir quelque mauvais ply
de Michel de MONTAIGNE dans III, 105
Huguenots, attendez encore trois ou quatre jours, et nous verrons si vous estes si mauvais qu'en faites la mine
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 619
Rude homme, comme de vray il l'avoit bien monstré en plusieurs guerres de Piedmont et de France, et estimé fort mauvais garçon
de Pierre de Bourdeille, seigneur et abbé de BRANTÔME dans Sur les duels, p. 261, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Bourg. mauvoy ; picard, maouais, mawais ; wallon, mâva ; namur. muaiz, fém muaije ; Hainaut, me, mey, mait, mouvais ; provenç. malvais ; ital. malvagio. Diez le tire du gothique balvavêsei, méchanceté, qui suppose un adjectif balvavesi, méchant, d'où balvais, changé en malvais, par l'influence de mal (de balu, mauvais, et visan, wesen, être ; comp. l'anglo-sax. balowîso, méchant, funeste) ; le changement de b en m fait difficulté ; cependant cette étymologie demeure très probable, vu la forme du reste du mot et le sens. Il faut se garder de confondre avec mauvais l'ancien adjectif malvé, esp. malvado, prov. malvat, mauvais, dont l'origine est ignorée : Nient malvée est la sue veie, Liber psalm. p. 20.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
MAUVAIS. - ÉTYM. Ajoutez : Il faut rapprocher des formes indiquées celle qu'on trouve dans le XIIe siècle : Maintes foiz vult [veut] malvoisouse crenmors [crainte] sembleir humiliteit, et effreneiz orguez [orgueil] franchise, li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 310.